La marée

La marée est la déformation d’un astre que provoquent les forces de gravitation exercées par des astres voisins. Il se trouve que dans la partie solide de la Terre, les effets des marées sont minimes et ne peuvent être mis en évidence qu’à l’aide d’instruments de mesure sophistiqués, aussi le mot marée évoque-t-il principalement la variation du niveau de la mer, telle qu’elle est observée depuis les côtes.
Ce n’est que tardivement que le phénomène des marées a reçu son explication scientifique. Pour les Anciens, il était dû à la respiration de quelque monstre vivant dans les profondeurs océaniques… C’est Isaac Newton (1642-1727) qui, le premier, l’expliqua par les forces d’attraction exercées par la Lune et le Soleil sur tous les points de la Terre, justifiant ainsi les relations observées entre les marées et les phases de la Lune.

Comment expliquer les déformations de la Terre et des océans dues aux marées ?

Où l’on parle de gravitation et de force centrifuge…
La Terre peut être assimilée à une bille lisse recouverte d’eau. A quelques encablures de là, gravite la Lune qui, à un moment donné, passe à la verticale (au méridien) d’un point A situé quelque part à la surface d’un océan terrestre. Sachant avec Newton que « tout corps exerce sur un autre une attraction proportionnelle à sa masse et inversement proportionnelle au carré de leur distance », l’action de la Lune est alors maximale: elle « tire » sur ce point, qui se met à afficher une nette tendance au rapprochement avec le satellite. La surface de l’eau va être irrésistiblement soulevée. Elle lève, gonfle comme un soufflé, forme un bourrelet : c’est la marée haute.

Un point B, diamétralement opposé à A, se soulève lui aussi, mais dans le sens contraire : deux marées hautes ont lieu au même moment, en des points situés de part et d’autre du globe. Newton avait une explication toute simple pour ce phénomène. La bille solide qu’est la Terre n’est pas non plus insensible à l’attrait de la Lune. Solide, elle ne se déforme pas
mais se décale tout entière vers l’astre sélène. Tout se passerait comme si en B le sol se dérobait sous l’eau, donnant le sentiment que le niveau de l’eau est monté. En réalité, il faut considérer l’ensemble du système constitué par la Terre et la Lune.
Schéma 1

La Terre et la Lune tournent autour de leur centre de gravité commun G, situé à 4’726 km du centre de la Terre. A cause de ce mouvement, tous les points de la Terre subissent une force centrifuge qui a tendance à les éloigner du centre de gravité (ou centre de masse) du système. En B, cette force est supérieure à celle qui s’exerce en A, d’où ce second soulèvement aqueux.

Autrement dit…

La Terre et la Lune sont tenues ensemble par l’attraction gravitationnelle mais sont simultanément tenues séparées par une force centrifuge égale et opposée, produite par leur révolution autour du centre de gravité (ou centre de masse) du système Terre-Lune. Ces deux forces n’agissent cependant pas de la même manière en chaque point de la Terre. Au centre de celle-ci, les deux forces se compensent exactement mais partout ailleurs, il existe des forces différentielles résultant du gradient d’attraction de la Lune.

Pour comprendre ce phénomène, il faut se rappeler que la force d’attraction diminue avec la distance. Aussi, le côté de la Terre qui fait face à la Lune est attiré davantage par elle que le centre de la Terre.
– Du côté de la Terre qui est plus proche de la Lune, l’attraction de la Lune est plus forte et la résultante des deux forces est dirigée vers la Lune.
– Du côté de la Terre qui est opposé à la Lune, l’attraction de celle-ci est plus faible et la résultante (ou force différentielle) est dirigée dans la direction opposée à la Lune.
– Si l’on s’éloigne du centre de la Terre dans une direction perpendiculaire à l’axe Terre-Lune, l’attraction de la Lune reste à peu près constante en intensité mais elle varie en direction. La résultante des deux forces est dirigée vers le centre de la Terre.

En résumé

 

Les forces génératrices de marées tendent à étirer la Terre suivant l’axe Terre-Lune et à la rétrécir dans les directions perpendiculaires (forme d’ellipsoïde, de ballon de rugby).
Tout ce raisonnement s’applique de la même manière à l’action du Soleil sur la Terre, mais les forces génératrices de marées dues au Soleil sont environ trois fois plus faibles que celles dues à la Lune. Quand la Lune est en conjonction ou en opposition, les effets lunaire et solaire s’ajoutent. Quand elle est en quadrature, les effets se retranchent.

Où l’on parle de forces différentielles (ou relatives)…
Les forces de gravitation exercées par la Lune sur les différentes parties de la Terre permettent donc d’expliquer le phénomène des marées. Dans la figure ci-après, on voit que les parties proches sont plus attirées par la Lune que des partie de la Terre qui en sont plus éloignées.

Ainsi : FA < FC et FB > FC

Les différences entre ces forces d’attraction créent des forces différentielles sur les différentes parties de la Terre, ce qui provoque des déformations.
On obtient ces forces différentielles en soustrayant la force centrale ou moyenne FC aux forces FA et FB . On trouve les résultantes RA et RB qui s’exercent de manière opposée et créent donc un phénomène d’aplatissement agissant sur la croûte terrestre aussi bien que sur les océans ou sur l’atmosphère. Mais, c’est bien sûr la déformation des océans qui est la plus visible.

En pleine mer, la différence de niveau entre la marée haute et la marée basse, appelée marnage, est de l’ordre de 50 cm. Elle est beaucoup plus importante près des côtes (~3 m) et dépend de leur configuration. La Manche a une forme d’entonnoir qui augmente la marée ; dans la baie du Mont Saint-Michel, le marnage peut atteindre 16 m et comme le fond de la mer y est plat, la marée avance très vite.

Dans certains cas, des phénomènes de résonance amplifient la marée. C’est ce qui arrive dans la baie de Fundy sur la côte Est du Canada où les marnages peuvent dépasser 19 m.

Où l’on parle d’énergie cinétique
Les marées, par les frottements des masses d’eau sur le fond des océans, dissipent lentement l’énergie cinétique1 de la Terre. En conséquence, celle-ci ralentit imperceptiblement sa rotation, ce qui a pour effet de faire croître la durée des jours ainsi que d’éloigner la Lune de la Terre. Ces répercussions ont été mesurées. Le jour a augmenté d’une seconde au cours des 120’000 dernières années. La Lune s’éloigne lentement de 3 cm par an. Ainsi, il y a 300 millions d’années, nos jours étaient de 22 heures et l’année avait 400 jours. La mécanique permet de calculer que la Lune va continuer à s’éloigner jusqu’à ce que la durée du jour devienne égale au mois lunaire et que les mouvements de la Lune et de la Terre soient synchronisés. La Terre montrera alors toujours la même face à la Lune.

Il convient de rappeler que c’est ce même phénomène des marées qui est responsable du ralentissement de la rotation de la Lune, laquelle nous montre aujourd’hui toujours la même face (mouvement synchrone de la Lune).

Où l’on parle de la limite de Roche
Lorsqu’un petit corps céleste en orbite autour d’un astre s’approche de ce dernier à une distance inférieure à une certaine limite, les forces génératrices de marées deviennent trop fortes et le corps éclate en morceaux. Cette distance critique est appelée « limite de Roche » du nom d’un mathématicien français, Edouard Roche, qui en 1849 avait calculé que les anneaux de Saturne résultaient probablement de la fragmentation de satellites qui tournaient en-deça d’une certaine limite.

Sources :
Mécanique, une introduction par l’histoire de l’astronomie; Eric Lindemann; Ed. DeBoeck
Université (Paris, Bruxelles, 1999) / schémas 1 et 3.
Le Grand Livre du Ciel; collectif; Ed. Bordas (Paris, 1999).
Les Terres célestes; dossier de la revue « Pour la Science », article de Anny Cazenave et André
Brahic (avril 1999) /schéma 2.
Des hauts et des bas; revue « Ciel et Espace », article de Leïla Haddad (novembre 1997).
http://fr.encyclopedia.yahoo.com/articles/do/do_4579-p0.html
www.unige.ch/science-cite/astroqr/suite.html (Pierre North, Bernard Nicolet).
SAHL – Cours d’initiation à l’astronomie – J. Aellen – 2002-2013